Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et nombreux sont ceux qui y passent; mais étroite est la porte, et resserrée la voie qui conduisent à la Vie, et il en est peu qui les trouvent. "Il en est peu." -- Je serais de ceux-là ...
Alissa
Song Cycle by Darius Milhaud (1892 - 1974)
1. Jérôme
Text Authorship:
- by André Gide (1869 - 1951), appears in La Porte étroite , first published 1909
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]2. Jérôme et Alissa I
Elle devint tout-à-coup très grave. "Quand il a parlé de soutien dans la vie, j'ai répondu que tu avais ta mère." -- "Oh! Alissa, tu sais bien que je ne l'aurai pas toujours. Et puis ce n'est pas la même chose..." Elle baissa le front: "C'est aussi ce qu'il m'a répondu". Je lui pris la main en tremblant. "Tout ce que je serai plus tard, c'est pour toi que je le veux être." -- "Mais, Jérôme, moi aussi je peux te quitter." Mon âme entrait dans mes paroles: "Moi, je ne te quitterai jamais". Elle haussa un peu les épaules: "N'es-tu pas assez fort pour marcher seul? C'est tout seul que chacun de nous doit gagner Dieu . . ."
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- by André Gide (1869 - 1951), appears in La Porte étroite , first published 1909
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]3. Jérôme et Alissa II
"J'ai fait un triste rêve," me dit Alissa, au matin d'un de mes derniers jours de vacances. "Je vivais et tu étais mort. Non; je ne te voyais pas mourir. Simplement il y avait ceci, tu étais mort. C'était affreux; c'était tellement impossible que j'obtenais que simplement tu sois absent. Nous étions séparés et je sentais qu'il y avait moyen de te rejoindre: je cherchais comment, et, pour y arriver, j'ai fait un tel effort que cela m'a réveillée. "Ce matin, je crois que je restais sous l'impression de ce rêve; c'était comme si je le continuais. Il me semblait encore que j'étais séparée de toi [...] longtemps, longtemps --" et très bas elle ajouta: "toute ma vie et que toute la vie il faudrait faire un grand effort ..." -- "Pourquoi?" -- "Chacun, un grand effort pour nous rejoindre." Je ne prenais pas au sérieux ou craignais de prendre au sérieux ses paroles. Comme pour y protester, mon cœur battant beaucoup, dans un soudain courage je lui dis: "Eh bien, moi, ce matin, j'ai rêvé que j'allais t'épouser si fort que rien, rien ne pourrait nous séparer -- que la mort." "Tu crois que la mort peut séparer?" reprit-elle. -- "Je veux dire ... Je pense qu'elle peut rapprocher, au contraire ... oui, rapprocher ce qui a été séparé pendant la vie." Tout cela entrait en nous si avant que j'entends encore jusqu'à l'intonation de nos paroles. Pourtant je ne compris toute leur gravité que plus tard.
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- by André Gide (1869 - 1951), appears in La Porte étroite , first published 1909
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4. Lettre d'Alissa
Mon cher Jérôme, J'ai beaucoup réfléchi à ce que tu me proposais.[...] J'ai peur d'être trop âgée pour toi; [...] mais je songe à ce que je souffrirais plus tard, [...] si je vois que je ne puis plus te plaire. Tu vas t'indigner beaucoup, sans doute, en me lisant; je crois entendre les protestations: pourtant je ne mets pas en doute ton amour; simplement, je te demande d'attendre encore que tu sois un peu plus avancé dans la vie. Comprends que je ne parle ici que pour toi-même, car pour moi je crois bien que je ne pourrai jamais cesser de t'aimer. Alissa.
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- by André Gide (1869 - 1951), appears in La Porte étroite , first published 1909
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5. Jérôme et Alissa III
"C'est ta lettre qui m'a fait revenir." "Je m'en suis bien doutée," dit-elle, [...] "et c'est bien là ce qui me fâche. Pourquoi as-tu mal pris ce que je disais? C'était pourtant bien simple ... [...] Nous étions heureux ainsi, je te l'avais bien dit, pourquoi t'étonner que je refuse lorsque tu me proposes de changer?" En effet, je me sentais heureux auprès d'elle, si parfaitement heureux que ma pensée allait chercher à ne différer plus en rien de la sienne: et déjà je ne souhaitais plus rien au-delà de son sourire, et que de marcher avec elle, ainsi, dans un tiède chemin bordé de fleurs, en lui donnant la main.
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- by André Gide (1869 - 1951), appears in La Porte étroite , first published 1909
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6. Lettres d'Alissa (fragments)
'... Ici rien n'est changé dans le jardin; mais la maison paraît bien vide! Tu auras compris, n'est-ce pas, pourquoi je te priais de ne pas venir cette année; je sens que cela vaut mieux: je me le redis chaque jour, car il m'en coûte de rester si longtemps sans te voir ... Parfois, involontairement je te cherche; j'interromps ma lecture, je tourne la tête brusquement... il me semble que tu es là! Je reprends ma lettre. Il fait nuit: tout le monde dort; je m'attarde à t'écrire, devant la fenêtre ouverte; le jardin est tout embaumé; l'air est tiède. [...] Cette nuit, de toute mon âme je pensais: "Merci mon Dieu, d'avoir fait cette nuit si belle!" Et tout à coup je t'ai souhaité là, senti là, près de moi, avec une violence telle que tu l'auras peut-être senti.' 'Non, n'écourte pas ton voyage pour le plaisir de quelques jours de revoir. Sérieusement, il vaut mieux que nous ne nous revoyions pas encore. Je ne voudrais pas te peiner, mais j'en suis venue à ne plus souhaiter -- maintenant -- ta présence. Te l'avouerais-je? je saurais que tu viens ce soir ... je fuirais. [...] Ne me demande pas de t'expliquer ce ... sentiment, je t'en prie. Je sais seulement que je pense à toi sans cesse (ce qui doit suffire à ton bonheur) et que je suis heureuse ainsi.' 'La crainte de t'inquiéter ne me laisse pas te dire combien je t'attends. [...] Chaque jour à passer avant de te revoir pèse sur moi, m'oppresse. Deux mois encore! Cela me paraît plus long que tout le temps déjà passé loin de toi! Tout ce que j'entreprends pour tâcher de tromper mon attente me paraît dérisoirement provisoire et je ne puis m'astreindre à rien. Les livres sont sans vertu, sans charme, les promenades sans attrait, la nature entière sans prestige, le jardin décoloré, sans parfums.' 'Je vais un peu moins bien depuis quelque temps; oh! rien de grave. Je crois que je t'attends un peu trop fort, simplement.' 'A mesure que la jour de notre revoir se rapproche, mon attente devient plus anxieuse; c'est presque de l'appréhension; ta venue tant souhaitée, il me semble, à présent, que je la redoute; je m'efforce de n'y plus penser; j'imagine ton coup de sonnette, ton pas dans l'escalier, et mon cœur cesse de battre ou me fait mal ... Surtout ne t'attends pas à ce que je puisse te parler ... Je sens s'achever là mon passé; au-delà je ne vois rien; ma vie s'arrête.' 'Mon ami, je t'approuve entièrement de ne pas chercher à prolonger outre mesure ton séjour ici et le temps de notre premier revoir. Qu'aurions-nous à nous dire que nous ne nous soyons déjà écrit? [...] N'hésite pas, ne regrette même pas de ne pouvoir nous donner plus de deux jours. N'aurons-nous pas toute la vie?'
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7. Prélude: piano solo
— Tacet —
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8. Journal d'Alissa (fragments)
Mon Dieu, vous savez bien que j'ai besoin de lui pour vous aimer. Mon Dieu, donnez-le-moi, afin que je vous donne mon cœur. Mon Dieu, faites-le-moi revoir seulement! Mon Dieu, je m'engage à vous donner mon cœur: accordez-moi ce que mon amour vous demande. Je ne donnerai plus qu'à Vous ce qui me restera de vie ... Mon Dieu, pardonnez-moi cette misérable prière, mais je ne puis écarter son nom de mes lèvres, ni oublier la peine de mon cœur. Mon Dieu, je crie à Vous: ne m'abandonnez pas dans ma détresse. [...] Seigneur! en votre nom je n'ose ... Mais, si je formulais ma prière, en connaîtrez-vous moins [...] le délirant souhait de mon cœur? Depuis ce matin un grand calme. Passé presque toute la nuit en méditation, en prière. Soudain m'a semblé que m'entourait, que descendait en moi une sorte de paix lumineuse, pareille à l'imagination qu'enfant je me faisais du Saint-Esprit. Je me suis aussitôt couchée, craignant de ne devoir ma joie qu'à une exaltation nerveuse; je me suis endormie assez vite, sans que cette félicité m'eût quittée. Elle est là ce matin toute entière. J'ai maintenant la certitude qu'il viendra. Tout s'est éteint. Hélas! il s'est échappé d'entre mes bras, comme une ombre. Il était là! Il était là! Je le sens encore. Je l'appelle. Mes mains, mes lèvres le cherchent en vain dans la nuit ... Dieu jaloux, qui m'avez dépossédée, emparez-vous donc de mon cœur. Toute chaleur désormais l'abandonne et rien ne l'intéressera plus. Aidez-moi donc à triompher de ce triste restant de moi-même. Cette maison, ce jardin encouragent intolérablement mon amour. Je veux fuir en un lieu où je ne verrai plus que Vous. Que votre règne arrive! Qu'il vienne en moi; de sorte que Vous seul régniez sur moi; et régniez sur moi toute entière. Je ne veux plus Vous marchander mon cœur. [...] C'est ainsi que je voudrais me préparer à mourir. Jérôme, je voudrais t'enseigner la joie parfaite. Je voudrais mourir à présent, vite, avant d'avoir compris de nouveau que je suis seule.
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- by André Gide (1869 - 1951), appears in La Porte étroite , first published 1909
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